Quand la mort frappe injustement, aveuglément et sans avertir…
Que dire ? Comment le dire ?
En 2013 j’étais témoin d’un terrible accident qui avait coûté la vie à une maman de 34 ans et ses deux enfants de 6 et 3 ans.
Je connaissais cette femme, je connaissais surtout son jeune fils qui jouait au football dans la même équipe que mon fils, à l’OAC. Nous partions en déplacement pour un tournoi à Tavel, ce dimanche noir, dans plusieurs voitures, enfants, parents, éducateurs, en file indienne au hasard d’une répartition relevant souvent du volontariat et de l’altruisme. Elle conduisait sa voiture avec ses deux enfants.
Sur la route de Bagnols-sur-Cèze, la voiture est entrée en collision avec un camion. Le choc a été d’une violence inouïe. Je me trouvais dans la voiture qui la suivait avec un ami et nos deux enfants. Nous avons assisté à la scène impuissants, choqués, horrifiés.
Je suis allé immédiatement avec un éducateur de l’OAC rejoindre la voiture accidentée. Nous avons constaté l’horreur extrême : les enfants étaient décédés sur le coup et la maman nous a semblé tenir à la vie par un fil. Nous lui avons parlé, nous avons tenté de lui donner le courage de rester en vie. Nous avions un espoir, un mince espoir, jusqu’à l’arrivée des secours qui nous ont fait comprendre qu’elle avait « décidé » de rejoindre ses enfants…
Que dire ? Comment le dire ?
Ce fut une épreuve pour moi, une très dure épreuve, qui a changé ma vie. À l’instant-même où j’ai appris que la maman était également décédée, j’ai été envahi par un sentiment d’injustice et j’ai pensé au père, je me suis imaginé à sa place, dans sa peau. J’ai imaginé l’inimaginable, j’ai ressenti l’insupportable et j’ai souffert en silence.
Plus récemment, quelques années plus tard donc, c’est un ami plus proche qui subit l’injustice aveugle de la mort. Il est jeune, marié, heureux et a un travail stable. Tout est à construire pour lui, la vie, la vraie. A la naissance de leur deuxième enfant, sa femme apprend qu’elle a un cancer. Elle se bat, elle lutte, ils luttent, il la soutient, lui tient la main jusqu’à la fin, un an plus tard. Elle n’a pas encore 30 ans et leurs enfants sont trop jeunes. J’ai pris une claque et reçu une grande leçon par le courage de cette femme, une leçon de vie.
Aujourd’hui, je pense souvent au papa des deux jeunes et beaux enfants qui poursuit sa mission de père en embrassant la vie pour eux, pour elle, avec courage.
Pourquoi ?!!!
J’ai ressenti là aussi une grande injustice mais c’est ainsi, on n’y peut rien, personne n’y pouvait rien, personne n’a rien à se reprocher, c’est injuste mais c’est ainsi.
Il faut repartir, vivre pour soi, pour ses enfants, pour ceux qui restent pour honorer la mémoire de ceux qui sont partis…
Que dire ? Comment le dire ?
La semaine dernière, c’est une jeune fille qui a été lâchement assassinée à Marseille. Elle s’appelle Marie, originaire d’Alès, elle étudiait à Aix-en-Provence. Une « chose vivante » sans cœur et sans cerveau, dénuée de toute sensibilité ou de sentiments humains, l’a poignardé pour lui voler son portable, oui, pour lui voler son portable…
Je découvre le visage de Marie en lisant le journal et je pense à son père, à sa mère, à sa famille et ses amis.
J’avoue que j’ai pensé en premier à son père, car je suis également papa d’une jeune fille et je ne peux m’empêcher de m’identifier une nouvelle fois au père.
Que dire ? Comment le dire ?!!
Si dans les deux premiers drames, j’ai ressenti de l’injustice, personne n’était en cause. C’était la faute à « pas de chance », la faute à la mauvaise loterie de la vie. Mais dans ce dernier cas, j’ai un mal fou à trouver les mots, à nommer l’innommable, à expliquer l’inexplicable, à accepter l’inacceptable.
Je te rends hommage Marie, en tant qu’alésien, en tant que père, en tant qu’être humain sur cette terre. Je rends hommage à ta mère qui a eu le courage de prendre la parole avec dignité et humanisme, pour toi. Je rends hommage à ton père, à ta famille et à tes amis.
Je ne te connais pas Marie mais je te pleure, tu es ma fille, tu es notre fille.
Repose en paix.